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Une réforme judicieuse de l’aide à l’enfance en danger

Le conseil général et la Protection judiciaire de la jeunesse ont élaboré conjointement le schéma départemental pour adapter à de nouveaux besoins l’hébergement des enfants en danger, limiter le nombre de placements et inventer de nouvelles prestations d’accueil et de soutien. ­Conduite depuis quatre ans, cette politique a permis une diminution significative du nombre de placements.

Territorialiser l’hébergement

En 1998, le département comptait quatre grosses structures d’accueil, dont le foyer de Laxou qui accueillait plus d’une centaine d’enfants. Outre le caractère fatalement impersonnel de ces structures, leur rareté aggravait souvent la rupture du lien familial.

Alain-CasoniUn enfant originaire du Pays-Haut pouvait fort bien être dirigé vers Nancy, si le foyer de ­Longwy affichait complet. Dans ce cas, les parents devaient effectuer un trajet de 240 kilomètres aller-retour pour lui rendre visite. Autant dire que le lien était rompu.

Alain Casoni, vice-président du conseil général en charge de l'enfance et de la famille

Le département a donc remplacé les quatre grandes structures par des unités à de petite taille et décentralisées. Le programme, qui prévoit l’instauration de quatorze centres d’accueil présentant des capacités d’hébergement d’une douzaine de places, sera finalisé d’ici à la fin 2002.


Améliorer les conditions d’accueil

Une partie de ces ­quatorze centres est habilitée à intervenir en urgence sur décision des autorités judiciaires. Ces unités d’accueil et d’orientation (UAO) assurent l’accueil, l’écoute et la prise en charge en urgence lors de dangers imminents. Au terme de la période d’observation, qui s’étend généralement sur quatre mois, le conseil général peut orienter les enfants vers l’une de ses quatre unités pédagogiques (UP) assurant l’hébergement. Ces structures se présentent sous la forme de petits pavillons intégrés dans les quartiers et regroupant une douzaine d’enfants, de préférence à proximité du foyer parental. Aux unités pédagogiques gérées par le département s’ajoutent les établissements privés de forme associative, susceptibles d’assurer une prise en charge à plus long terme. Ces foyers sont également invités à revisiter leur projet pédagogique et à adopter la notion d’hébergement inséré à la vie des quartiers.


Développer l’accueil de jour

A la fin des années 90, le conseil général a lancé un appel à projet pour renforcer la prévention par une intervention au sein même des familles. L’association JCLT (Jeunesse, culture, loisirs et techniques) a été retenue pour mettre en place le service d’aide familiale et éducative (Safe). Implantées dans le quartier du Haut-du-Lièvre à Maxéville et à Essey-lès-Nancy, les deux antennes du Safe associent des éducateurs, des psychologues, des travailleurs sociaux, des puéricultrices et des conseillers éducatifs dans le cadre d’un accueil de jour. Ce réseau a donné satisfaction. Aussi l’assemblée départementale a-t-elle approuvé, début janvier, la création de deux nouvelles unités d’accueil de jour. A terme, un service décentralisé d’aide aux familles assurera l’accompagnement de deux cents enfants sur l’ensemble du département.


Favoriser le placement dans des familles

Afin de privilégier le placement des enfants en famille, le conseil général a revalorisé le statut des familles d’accueil. Les assistantes maternelles ont obtenu, en 2000, une réévaluation de leurs salaires et la mise en place d’un dispositif de garde-relais leur permettant de prendre des congés.Former les personnels. Pour faciliter la transition entre grands foyers d’hébergement et petites structures d’accueil, le conseil général a lancé, il y a un an, une formation à l’intention de la centaine d’agents impliquée dans le fonctionnement des structures d’accueil. Des cabinets extérieurs contribuent à la mise en place de projets pédagogiques et dispensent, sur la base du volontariat, des formations à la fonction de « maîtres » et de « maîtresses de maison », offrant aux agents une possibilité de promotion. Le conseil général étend, à présent, sa démarche au secteur associatif.


Inventer de nouvelles formes d’accueil

Lieu d’accueil non traditionnel, La Galoche constitue un exemple d’accueil alternatif que le ­conseil général souhaite reproduire : dans le petit village de Montlétroit, un couple accueille six adolescents, placés sur décision judiciaire. Habilitée par le conseil général, la structure associative convient à ces jeunes garçons fortement traumatisés et qui supportent mal la collectivité. La vie en plein air, l’intégration au village, la pratique de l’équitation, de l’élevage et du jardinage constituent le support d’un projet éducatif tout à fait original. L’association a fait ses preuves, y compris pour des cas très lourds. Le conseil général entend développer d’autres expériences d’accueil alternatif.


Atténuer les traumatismes

Vaut-il mieux effectuer le placement d’un enfant en danger ou privilégier, coûte que coûte, le maintien dans sa famille ? Le conseil général ne prétend pas trancher le débat, mais évite de stigmatiser les familles défaillantes.

La parentalité ne s’apprend pas, et personne n’est à l’abri d’un accident. Les difficultés sociales, culturelles ou économiques peuvent conduire à des dérapages, mais les mesures de placement sont souvent ressenties comme un échec supplémentaire. Ce traumatisme, douloureux pour les enfants comme pour les parents, crée plus de problèmes qu’il n’en résout.

Alain Casoni

Étoffer la prévention

Les nouvelles modalités d’accueil et de soutien s’inscrivent dans un projet d’aide sociale plus vaste, qui commence avant même la naissance de l’enfant. Le conseil général propose aux futures mères une visite prénatale qui peut déboucher sur un suivi régulier. La Protection maternelle et infantile s’inscrit également dans une logique de réseau associant les assistantes sociales, les praticiens libéraux, les services de protection de l’enfance et les établissements d’accouchement. La Meurthe-et-Moselle a mis en place un dispositif d’encouragement à l’allaitement maternel, de lutte contre les dépendances et de prévention des difficultés du langage. Il a également instauré le Pass Sport & Culture, qui permet aux jeunes de Longwy et d’une dizaine de communes de l’agglomération nancéienne de pratiquer des activités sportives ou culturelles, moyennant un forfait annuel de 7,6 euros. Le conseil général, la caisse d’allocations familiales et les communes prennent en charge le reste du coût. L’initiative entend favoriser l’accès de tous à la culture, aux sports et aux loisirs. Elle pose également les jalons d’un accompagnement social qui dépasse la simple pratique d’une activité.


« Une adaptation qui se révèle nécessaire face aux mutations de la famille »

La protection de l’enfance doit évoluer, car les relations entre les parents et les enfants, la configuration familiale et les questions liées à la protection de l’enfance ont connu de profondes mutations. Pour s’y adapter, l’institution ne peut se limiter à la protection de l’enfance. Elle doit coordonner des missions multiples relevant de services différents : protection maternelle et infantile, pédopsy­chiatrie, magistrature, Education nationale, secteur associatif… Le schéma départemental constitue un outil adapté à notre double objectif : organiser de manière cohérente une politique plus poche des familles et territorialiser l’action sociale.

Jean-Paul Bischwiller, directeur territorial et responsable de la protection de l'enfance


Trois leçons à retenir

  • Le projet de réduire le nombre de placements n’a de sens que dans le cadre d’un schéma départemental. La réorganisation des modes d’accueil demande une volonté politique forte, s’appuyant sur une méthodologie bien définie et sur un fort investissement technique des agents.
  • L’expérience meurthe-et-mosellane s’appuie sur un partenariat avec les autorités judiciaires. Cette collaboration suppose d’établir des relations de confiance souvent longues à mettre en place.
  • La recherche de solutions alternatives au placement classique requiert autant d’imagination que de prudence. Le domaine de l’aide à l’enfance suscite souvent un grand dévouement. Mais certaines associations se sont illustrées par un fonctionnement douteux, relevant parfois de celui d’une secte.


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Pascale Braun

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