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Un « village fortifié » à Roppenheim

Le concept architectural de Freeport Leasure est un pastiche très habile conçu par les architectes anglais, qui fait du magasin d’usine un centre commercial anti-conformiste dans la forme et pour l’heure unique en France.

Antoine Herrenschmidt, architecte du cabinet strasbourgeois Claude Buscher, chargé du suivi du projet de Roppenheim, au nord de Strasbourg

Situé sur l’ancienne plate-forme douanière, le projet de magasin d’usine ou Factory Outlet Center (FOC) repose sur un concept de « village commercial » intégré à son environnement économique et culturel. Le cabinet anglais prévoit la création d’un « village fortifié avec ponts et douves où seront implantées les boutiques, d’une surface moyenne de 250 m2 ». Les architectes ont par ailleurs conçu corniches, faîtages et pignochons en référence aux influences germaniques et françaises de la région mais restent fidèles aux matériaux contemporains : béton armé, briques et parpaings de ciment.


Les géants commerciaux prennent position aux frontière

Le Grand Est voit se multiplier de part et d’autre de ses frontières des complexes commerciaux qui inquiètent les commerçants de centre-ville. La saturation du marché s’explique notamment par l’absence d’une réglementation commune aux différents pays.

L’enseigne Auchan vient d’obtenir le permis de construire du centre commercial qui devrait voir le jour fin 2002 sur le Pôle européen de développement (PED) près de Longwy (Meurthe-et-Moselle). L’hypermarché de 13 000 m2 assorti de 4 000 m2 de galeries marchandes remplacera un magasin de la même enseigne de 6 500 m2 jugé trop vétuste et installé au centre-ville de Mont-Saint-Martin. Implanté dans un triangle frontalier délimité par Messancy (Belgique), Longwy et Bascharage (Luxembourg), Auchan mise sur une zone de chalandise de 120 000 personnes touchant les trois pays.

Depuis fin juin, les 15 hectares qui regroupent les zones commerciales du Mougin, de la Bulle, du Triangle d’Or et du Triangle des Trois Frontières à Messancy est desservi par un rond-point dont l’accès se fait par une voie rapide à grande circulation.

Un restaurant Buffalo Grill ouvrira ses portes à la fin de l’année sur ce site qui bénéficiera d’un aménagement paysager.

René Havet, le porteur du projet dont le coût se monte à 880 000 euros (5,8 millions de francs)

Cette vaste zone commerciale englobe l’hypermarché Cora dont le directeur, Thierry Destailleur, achève un investissement de 9,1 millions d’euros (60 millions de francs) consacré à la restructuration du site commencée en 1999. L’aménagement de l’hypermarché et l’implantation de nouvelles cellules dans la galerie marchande correspondent à la demande d’une clientèle constituée pour moitié de Belges, à 35 % de Luxembourgeois et à 15 % de Français.

Le triangle transfrontalier verra, dans les prochains mois, trois enseignes phares : l’hypermarché Cora de Messancy, le centre commercial Auchan du PED et l’hypermarché Cactus à Bascharage. La chaîne luxembourgeoise ouvre en effet le 24 octobre prochain son deuxième plus gros magasin du Luxembourg. Le magasin, situé à proximité d’un autre supermarché à l’enseigne Cactus, abrite une galerie marchande de douze cellules et emploie 361 personnes. La construction d’un magasin d’usines de 9 900 m2 sur le site désaffecté des anciennes briqueteries de Messancy pourrait compléter cette offre commerciale. Le projet, porté par le groupe flamand Immo-GL à Houthalen, attend l’accord socio-économique délivré par le Conseil d’Etat.

Ce magasin d’usines permettra d’accroître l’attractivité de Messancy.

Bertrand Jourde, porteur du projet, et qui construit un complexe similaire à Bordeaux (Gironde)

Cinq magasins d’usines

Roppenheim
village de Roppenheim

Le magasin d’usines de Messancy constituerait le cinquième du genre dans le Grand Est, dont quatre regroupés de part et d’autre des frontières allemande, française et belge. Avec une surface de vente de 25 000 m2, quelque 4 millions de visiteurs attendus et un budget de 53,3 millions d’euros (350 millions de francs) pour la seule construction, le magasin d’usine de Roppenheim constitue l’un des nombreux projets concurrents de la zone frontalière franco-allemande.

Avec 650 000 visiteurs depuis l’ouverture le 8 mars dernier du Design outlet zenter (Doz) de Zweibrucken en Rhénanie-Palatinat, Tims Adams, directeur du magasin d’usines, affirme pouvoir atteindre ses prévisions fixées à un million de clients au cours de la première année. OCI, société britannique gestionnaire du DOZ semble cependant revoir ses prévisions à la baisse. Actuellement occupé par 42 enseignes, le site de 15 000 m2 présente un taux d’occupation de 85 %. Le DOZ devait ouvrir cet automne 7 000 m2 supplémentaires et 25 nouveaux magasins. Or, seuls deux marques se sont implantées au cours des six derniers mois. Le directeur du Doz affirme que la seconde tranche, qui doit porter la superficie du site à 24 000 m2, débutera en fin d’année pour une inauguration en automne 2002. Le DOZ deviendrait ainsi le plus grand magasin d’usine d’Europe. Misant sur une zone de chalandise de 5 millions de consommateurs dont 1,3 million de Français et 400 000 Luxembourgeois, le DOZ chasse sur les terres de Marques Avenue de Talange, à une quinzaine de kilomètres de Metz (Moselle).

Ouvert en février 2000 sur 12 000 m2, le complexe mosellan attire en moyenne 24 000 visiteurs par semaine. L’enseigne reste en deçà de l’objectif affiché à son ouverture, avec 30,5 millions d’euros (200 millions de francs) de chiffre d’affaires l’an dernier contre 38,1 millions d’euros (250 millions de francs) prévus. Talange a en revanche obtenu le 2 août dernier l’accord en CDEC d’une extension de 2 200 m2 pour exploiter sept cellules existantes mais inoccupées.
Un mégapôle de 64 000 m2

Frontalier de l’Allemagne, et achevant une reconversion industrielle réussie, l’Est mosellan aspire à renouveler son image de marque, notamment sur le plan commercial. La compagnie des métiers du commerce, filiale de Bouygues, vient de présenter en CDEC son projet de mégapôle ludique et commerciale Far Liber-Cité. Le projet s’étend sur 64 000 m2 à Farébersviller. Une rue commerçante regroupera une cinquantaine de boutiques spécialisées dans l’équipement de la personne. Le centre commercial jouxtera un centre de loisirs comportant bars, bowlings, jeux d’arcades et un centre de fitness. L’investissement se monte 76,2 millions d’euros (500 millions de francs). Avec une zone de chalandise de 800 000 habitants dont 600 000 Lorrains et 200 000 Sarrois, Far Liber-Cité suscite l’inquiétude des commerçants sarrois et français.

Kuni-BothLa Sarre présente la plus forte densité commerciale d’Allemagne, de même que la Moselle représente l’un des départements les plus saturés de France.

Kuni Both, président du Gewerbeverband des Saarlandes, association des commerçants sarrois

Cette « saturation » du marché s’explique notamment par l’absence d’une commission d’études commune à la France, au Luxembourg, à la Belgique et à l’Allemagne. Les autorités françaises et allemandes, par exemple, ne possèdent pas de base réglementaire pour établir les priorités transfrontalières en matière d’urbanisme commercial.

Le nord de la Meurthe-et-Moselle, le sud du Luxembourg et la province du Luxembourg belge ont innové en ce domaine puisque le premier diagnostic commercial transfrontalier devrait voir le jour à la fin de l’année. Il permettra de présenter une vision d’ensemble de l’offre marchande sur l’espace couvert par ces trois espaces géographiques. Ce diagnostic servira de support aux études d’implantations en France, en Belgique et au Luxembourg qui, pour l’heure, ne prennent pas en compte la zone de chalandise étrangère.


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Pascale Braun

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