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Onde de choc commerciale aux frontières

Trois frontières, trois enseignes d’hypermarchés : avec Auchan qui se lance à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle), Cora qui s’aggrandit à Messancy (Belgique), et Cactus qui ouvre son site de Bascharage (Luxembourg), les trois pays associés au pôle européen de développement rivalisent d’attractivité commerciale. Ce phénomène de surenchère de projets traverse l’ensemble de la bande frontalière lorraine et alsacienne.

L’enseigne Auchan a obtenu en octobre le permis de construire du centre commercial qui devrait voir le jour fin 2002 près de Longwy (Meurthe-et-Moselle). L’hypermarché de 13 000 m2 assorti de 4 000 m2 de galeries marchandes remplacera un magasin de la même enseigne de 6 500 m2 jugé trop vétuste et installé au centre-ville de Mont-Saint-Martin. Auchan mise sur une zone de chalandise de 120 000 personnes touchant les trois pays.

Depuis fin juin, un rond-point complète la voie rapide à grande circulation qui dessert les 15 hectares des zones commerciales du Mougin, de la Bulle, du Triangle d’Or et du Triangle des Trois Frontières à Messancy.

Un restaurant Buffalo Grill ouvrira ses portes à la fin de l’année sur ce site qui bénéficiera d’un aménagement paysager.

René Havet, le porteur du projet dont le coût se monte à 880 000 euros (5,8 millions de francs)

Cette vaste zone commerciale englobe l’hypermarché Cora dont le directeur, Thierry Destailleur, achève un investissement de 9,1 millions d’euros (60 millions de francs) consacré à la restructuration du site commencée en 1999. L’aménagement de l’hypermarché et l’implantation de nouvelles cellules dans la galerie marchande correspondent à la demande d’une clientèle constituée pour moitié de Belges, à 35 % de Luxembourgeois et à 15 % de Français.

Troisième acteur de la grande distribution transfrontalière autour de Longwy, l’hypermarché Cactus à Bascharage a ouvert le 24 octobre son deuxième plus gros magasin du Luxembourg. L’établissement, situé à proximité d’un autre supermarché à l’enseigne Cactus, abrite une galerie marchande de douze cellules et emploie 361 personnes. La construction d’un magasin d’usines de 9 900 m2 sur le site désaffecté des anciennes briqueteries de Messancy pourrait compléter cette offre commerciale. Le projet, porté par le groupe flamand Immo-GL à Houthalen, attend l’accord socio-économique délivré par le Conseil d’Etat.

Ce magasin d’usines permettra d’accroître l’attractivité de Messancy.

Bertrand Jourde, porteur du projet, et qui construit un complexe similaire à Bordeaux (Gironde)


Record européen en vue à Zweibrücken

Le magasin d’usines de Messancy constituerait le cinquième du genre dans le Grand Est (avec Talange, Zweibrücken, Troyes et le projet de Roppenheim), dont quatre regroupés de part et d’autre des frontières allemande, française et belge. Avec une surface de vente de 25 000 m2, quelque 4 millions de visiteurs attendus et un budget de 53,3 millions d’euros (350 millions de francs) pour la seule construction, le magasin d’usine de Roppenheim (Bas-Rhin) constituerait l’un des nombreux projets concurrents de la zone d’influence franco-allemande (voir encadré) de Karlsruhe.

Avec 650 000 visiteurs depuis l’ouverture le 8 mars dernier du Design outlet zenter (Doz) de Zweibrucken en Rhénanie-Palatinat, Tims Adams, directeur du magasin d’usines, affirme pouvoir atteindre ses prévisions fixées à un million de clients au cours de la première année. OCI, société britannique gestionnaire du Doz, semble cependant revoir ses prévisions à la baisse. Actuellement occupé par 42 enseignes, le site de 15 000 m2 présente un taux d’occupation de 85 %. Le DOZ devait ouvrir cet automne 7 000 m2 supplémentaires et 25 nouveaux magasins. Or, seuls deux marques se sont implantées au cours des six derniers mois. Le directeur du Doz affirme que la seconde tranche, qui doit porter la superficie du site à 24 000 m2, débutera en fin d’année pour une inauguration en automne 2002. Le Doz deviendrait ainsi le plus grand magasin d’usine d’Europe. Misant sur une zone de chalandise de 5 millions de consommateurs dont 1,3 million de Français et 400 000 Luxembourgeois, le DOZ chasse sur les terres de Marques Avenue de Talange, à une quinzaine de kilomètres de Metz (Moselle).

Ouvert en février 2000 sur 12 000 m2, le complexe mosellan attire en moyenne 24 000 visiteurs par semaine. L’enseigne reste en deçà de l’objectif affiché à son ouverture, avec 30,5 millions d’euros (200 millions de francs) de chiffre d’affaires l’an dernier contre 38,1 millions d’euros (250 millions de francs) prévus. Talange a en revanche obtenu le 2 août dernier l’accord en CDEC d’une extension de 2 200 m2 pour exploiter sept cellules existantes mais inoccupées.


Farébersviller : un mégapôle de 64 000 m2

Frontalier de l’Allemagne, et achevant une reconversion industrielle réussie, l’Est mosellan aspire à renouveler son image de marque, notamment sur le plan commercial. La compagnie des métiers du commerce, filiale de Bouygues, a présenté à la rentrée à la commission départementale d’équipement commercial (CDEC) son projet de mégapôle ludique et commerciale Far Liber-Cité. Le projet s’étend sur 64 000 m2 à Farébersviller. Une rue commerçante regroupera une cinquantaine de boutiques spécialisées dans l’équipement de la personne. Le centre commercial jouxtera un centre de loisirs comportant bars, bowlings, jeux d’arcades et un centre de fitness. L’investissement se monte 76,2 millions d’euros (500 millions de francs). Avec une zone de chalandise de 800 000 habitants dont 600 000 Lorrains et 200 000 Sarrois, Far Liber-Cité suscite l’inquiétude des commerçants sarrois et français.

Kuni-BothLa Sarre présente la plus forte densité commerciale d’Allemagne, de même que la Moselle représente l’un des départements les plus saturés de France.

Kuni Both, président du Gewerbeverband des Saarlandes, association des commerçants sarrois

Cette « saturation » du marché s’explique notamment par l’absence d’une commission d’études commune à la France, au Luxembourg, à la Belgique et à l’Allemagne. Les autorités françaises et allemandes ne possèdent pas de base réglementaire pour établir les priorités transfrontalières en matière d’urbanisme commercial.


Vers une régulation transfrontalière des implantations

Le nord de la Meurthe-et-Moselle, le sud du Luxembourg et la province du Luxembourg belge ont innové en ce domaine puisque le premier diagnostic commercial transfrontalier devrait voir le jour à la fin de l’année. Il permettra de présenter une vision d’ensemble de l’offre marchande sur l’espace couvert par ces trois espaces géographiques. Ce diagnostic servira de support aux études d’implantations en France, en Belgique et au Luxembourg qui, pour l’heure, ne prennent pas en compte la zone de chalandise étrangère. Il pourra également servir d’exemples pour d’autres : de l’espace Pamina (aire d’influence de Karlsruhe) à l’agglomération trinationale de Bâle en passant par l’aire urbaine Strasbourg-Ortenau, l’ensemble des collectivités et établissements consulaires du Rhin supérieur engagées dans des démarches de planification transfrontalière ressentent le besoin d’une régulation intégrée des implantations commerciales.


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Pascale Braun

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