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Les usines lorraines de Daewoo en panne d’avenir

Les 1.300 salariés lorrains du conglomérat coréen sont dans l’expectative après l’annonce du rachat de la branche électronique par le groupe Walid Alomar et associés. L’usine de tubes cathodiques de Mont-Saint-Martin, en cours de recapitalisation, semble la plus menacée par un désengagement.

Daewoo-Villers-la-MontagneIncertitude et désarroi : ces deux termes résument le sentiment général qui prévaut aujourd’hui sur les trois sites industriels du conglomérat coréen Daewoo en Lorraine. Que ce soit à Fameck (Moselle) où Daewoo emploie 350 salariés dans son usine de téléviseurs, à Villers-la-Montagne (Meurthe-et-Moselle) où la production de fours à micro-ondes représente 350 emplois et à Mont-Saint-Martin, près de Longwy (également Meurthe-et-Moselle), où l’usine de tubes cathodiques emploie 600 personnes, les élus et les syndicats avouent une même ignorance quant aux intentions supposées du groupe financier américano-saoudien Walid Alomar et associés, qui s’est porté repreneur de l’activité électronique du groupe coréen dans le monde pour 3,2 milliards de dollars. Car ce dernier, mis sur le flanc par la crise asiatique et contraint à une profonde restructuration, a été obligé de se séparer de cette branche représentée en Lorraine. Aucune indication. Même l’unité de recherche de Daewoo installée à Metz, et pourtant placée sous la responsabilité directe de sa maison mère, n’a obtenu, semble-t-il, aucune indication sur les conséquences de ce rachat pour les unités de Daewoo en France.

Au conseil régional de Lorraine, on joue pour l’heure profil bas en tentant de faire preuve d’optimisme :

Jean-Pierre HUETNous ne connaissons pas le repreneur, mais les organismes de fonds de placement n’ont pas l’habitude de placer leur argent n’importe où. Il convient de ne pas dévaloriser les unités lorraines de Daewoo qui constituent de beaux outils de production.

Jean-Pierre Huet, responsable du pôle emploi et développement économique

Après cinq ans d’activité, l’usine de téléviseurs de Fameck affiche ainsi un premier résultat positif de 10 millions de francs (1,52 million d’euros). Le site de production de fours à micro-ondes de Villers-la-Montagne mise, quant à lui, sur un marché européen en pleine expansion pour assurer l’écoulement du 1,5 million d’appareils qu’il fabrique chaque année. En revanche, l’usine de fabrication de tubes cathodiques de Mont-Saint Martin, dernière implantation en date de Daewoo en Lorraine, inaugurée par Gérard Longuet en 1996, présente des pertes cumulées d’un montant de 620 millions de francs (94,52 millions d’euros). Nul ne sait si le fonds d’investissement Walid Alomar et associés poursuivra la recapitalisation d’un montant de 200 millions de francs (30,49 millions d’euros) engagée par Daewoo à la veille de la cession et vitale pour la survie d’un site qui était, en juin, menacé de fermeture.

La direction de Daewoo avait alors violemment réagi à une grève entamée le 14 juin et qui mobilisa, quatorze jours durant, 80 % des salariés de l’usine qui protestaient contre leurs conditions de travail jugées « moyenâgeuses » et d’insupportables pressions psychologiques. Ce mécontentement avait également donné corps à des revendications salariales : 900 francs d’augmentation par salarié et par mois, contre 120 francs proposés par la direction. Celle-ci, qui jugeait ces revendications irréalistes, avait alors menacé de fermer le site en arguant que les actionnaires coréens refuseraient dans ces conditions de le recapitaliser. De leur côté, les salariés estimaient que Daewoo ne pouvait se permettre de fermer une usine qui approvisionnait, de source syndicale, 30 % du marché européen des tubes cathodiques.


Expectative

A présent, les salariés de Longwy veulent encore croire au maintien de l’usine, en dépit de multiples déconvenues successives. Voilà deux ans, Daewoo avait, en effet, annoncé à l’horizon 2000 des effectifs de 3.000 salariés en Lorraine (contre 1.300 aujourd’hui). Mais le groupe coréen a successivement abandonné son projet d’usine de réfrigérateurs et combinés à Verdun (Meuse) – un investissement annoncé de 427 millions de francs – et la création d’une usine de verre à Thionville (Moselle) qui devait générer 1,7 milliard de francs d’investissements et créer 700 emplois.

Roger-CayzelleL’heure est certainement à l’expectative, mais pas forcément à l’alarmisme. Il est trop tôt pour tirer sur les chasseurs de primes.

Roger Cayzelle, secrétaire régional de la CFDT en Lorraine

Il note qu’en dix ans, Daewoo a indiscutablement contribué à la réindustrialisation d’un bassin sidérurgique qui venait de perdre 100.000 emplois. Il reste, selon lui, aux sites lorrains à faire la preuve de leur viabilité.


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Pascale Braun

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