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Jean-Marc Mohr

Il revient au charbon

Un syndicaliste au service du développement économique de l’espace Sarre-Lorraine-Luxembourg-Belgique.

Successivement président de la Communauté européenne du charbon et de l’acier et du Comité économique et social de la Grande Région, Jean-Marc Mohr a conduit sa carrière sans jamais quitter le petit village de Rémering, dans la périphérie rurale du bassin houiller lorrain. Entré en 1974 comme acheteur à la direction générale des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) à Merlebach, au coeur du bassin charbonnier, le jeune homme rejoint rapidement l’unité d’exploitation de la Houve à Creutzwald, plus proche de ses pénates.

Alors en pleine apogée avec plus de 2.000 mineurs, la Houve, surnommée la mine de beurre, constituait une exploitation atypique où tout le monde se connaissait et où la hiérarchie se faisait moins lourdement sentir qu’à la direction générale.

Jean-Marc Mohr, qui assure y avoir passé les douze plus belles années de sa carrière

Chargé de la gestion du personnel et des plans d’exploitation, le chef de bureau se trouve confronté au paradoxe d’une unité en plein essor, que la direction voue pourtant à la fermeture dès la fin des années 70. Ironie de l’histoire, la Houve sera la dernière mine à cesser l’extraction en mars 2004. Lorsque Jean-Marc Mohr intègre la CFTC en 1975, les HBL constituent encore une forteresse de 25.000 agents. La centrale chrétienne y jouit d’une bonne implantation, mais la rupture encore toute fraîche avec la CFDT a laissé des traces.

Il m’a fallu apprendre vite, tant sur le plan technique, pour négocier l’amélioration des conventions collectives, que sur le plan idéologique, où les affrontements restaient très durs. C’est avec la CGT que nous entretenions les meilleures relations, au nom de l’alliance dite « des purs et des durs.

Jean-Marc Mohr

En 1981, la CFTC décroche la première position parmi les employés, techniciens et agents de maîtrise des HBL avec 36 % des suffrages. Elu secrétaire général, Jean-Marc Mohr intègre le comité d’entreprise dans l’euphorie engendrée par les promesses du candidat Mitterrand. Trois ans plus tard, le bassin houiller déchante et prend conscience du caractère inexorable de la fermeture. Représentant du personnel dans les négociations nationales sur le devenir des installations minières et sur la reconversion du bassin, Jean-Marc Mohr intègre la commission dédiée aux orientations économiques et sociales. Sur des dossiers aussi peu affriolants que le rachat des avantages acquis des mineurs, le syndicaliste fait des prouesses, truffant les accords de telles subtilités que Bercy n’y voit que du feu„ avant d’apprendre à se méfier d’un partenaire aussi doux que retors. Jean-Marc Mohr admet avoir pris goût aux échanges policés entre fonctionnaires et syndicalistes. Une logique d’affrontement. Dans le bassin houiller, en revanche, les mineurs, qui s’estiment trahis, entrent dans une logique d’affrontements insurrectionnels.

Je me souviens d’une manifestation durant laquelle des fleurets et des barres à mines, envoyés de l’extérieur, ont traversé de part en part les bureaux de la direction générale. Je n’appréciais pas l’atteinte à l’outil de travail et je souffrais de voir l’image des mineurs se détériorer peu à peu. Mais nous n’avons jamais rompu l’unité syndicale.

Jean-Marc Mohr

En 1994, Gérard Longuet, alors ministre lorrain de l’Industrie, paraphe le pacte charbonnier qui scelle la fermeture des HBL dans des conditions sociales acceptables.

Il fallait sortir de l’impasse et le pacte charbonnier a constitué une bonne solution. Mais on a certainement mésestimé certains aspects de son impact social.

Jean-Marc Mohr

A compter de 1993, son propre parcours constitue une forme personnelle d’adieu au charbon. Elu secrétaire général adjoint chargé des affaires européennes, puis président du secteur Energie-Mines de la CFTC, il devient, de 1998 à 2000, le dernier président de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, creuset de l’Union européenne. Le syndicaliste chrétien, qui regrette la disparition progressive du haut degré d’expertise acquis par la Ceca, s’attache à transmettre ses acquis syndicaux à ses homologues de Pologne. Mais la page du charbon est bel est bien tournée. Nommé vice-président du conseil économique et social de Lorraine, Jean-Marc Mohr occupe depuis juillet dernier la présidence du comité économique et social de la Grande Région.

Un machin, mais cet organisme peut devenir un outil au service du développement économique de l’espace transfrontalier Sarre-Lorraine-Luxembourg-Belgique.

Jean-Marc Mohr


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Pascale Braun

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