A deux pas de la tour autrefois occupée par la direction des Houillères du bassin de Lorraine à Freyming-Merlebach, une vieille maison blanche constitue le quartier général des mineurs de la CFDT. En dépit de la neige, du Covid et de la fermeture du dernier puits de charbon de la ville voici 18 ans, le local n’est pas vide.
Affichée sur la porte d’entrée, une liste de consignes renseigne les 727 anciens mineurs qui ont obtenu le 31 janvier dernier une indemnisation, à hauteur de 10.000 euros, du préjudice d’anxiété consécutif à de multiples expositions toxiques. A l’intérieur, une demi-douzaine de bénévoles accueille sur rendez-vous d’anciens mineurs aux prises avec leur dossier de maladies professionnelles. A l’étage, François Dosso occupe un petit bureau encombré, spartiate et toujours ouvert.
C’est à ce poste que l’ancien délégué mineur conduit depuis 2013 une bataille que même son syndicat jugeait bien hasardeuse : élargir le préjudice d’anxiété, naguère strictement circonscrit aux victimes de l’amiante relevant de listes administratives précises, à une kyrielle d’autres produits toxiques, et à des travailleurs des mines que l’Etat jugeait déjà indemnisés dans le cadre des condamnations pour fautes inexcusables. Quatre jugements plus tard – aux prud’hommes à Forbach, en appel à Metz, en cassation à Paris puis, en dernier lieu, en appel à Douai, la victoire parait totale : non seulement l’intégralité des plaignants a obtenu une même réparation, mais les coups de boutoir des mineurs ont remodelé le droit social français : le préjudice d’anxiété est désormais ouvert – certes, dans des délais raccourcis et dans des conditions restrictives – à tous les travailleurs et pour toute exposition à des produits cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.
Un métier à haut risque
D’autres que lui triompheraient. François Dosso s’en garde bien. D’abord, parce que le délai d’appel ne sera écoulé qu’au printemps. Ensuite, parce que cet électromécanicien devenu juriste hors pair affirme détester les litiges, désirant en toute circonstance privilégier la négociation.
Si les employeurs privés venaient à se plaindre que le conflit des mineurs a débouché sur une loi qui concerne aujourd’hui tous les secteurs, je leur dirais de s’adresser à l’Etat et au liquidateur des Houillères qui nous a systématiquement refusé toute conciliation et toute reconnaissance de faute.
François Dosso
Le lancement, en 2013, d’une procédure qui regroupait alors plus de 800 plaignants, constituait déjà l’aboutissement de plusieurs combats. Traditionnellement, les mineurs ne portaient pas plainte, peu habitués à voir la justice s’intéresser à leur sort et a fortiori, à leur donner raison.
Voici une cinquantaine d’années, un vieux syndicaliste me conseillait de me méfier des hommes en noir : les curés, les juges, les CRS et les avocats, qui ne veulent pas de bien aux ouvriers.
François Dosso
Lui-même a pourtant poussé ses pions sur l’échiquier juridique pour faire avancer la cause de la santé des mineurs dans une phase sombre de l’histoire des houillères de l’est-mosellan. Le productivisme acharné des années 70 provoquait en moyenne 15 morts et 600 blessés graves par an hors accidents collectifs. La catastrophe de Merlebach a tué 16 mineurs en 1976. Celle du puits Simon à Forbach a causé 22 décès et fait 130 blessés en février 1985. Pour ce dernier accident, les syndicats ont obtenu la condamnation de deux responsables du chantier pour homicides et blessures involontaires. Preuve était faite que les mineurs pouvaient gagner devant un tribunal.
Mineur et expert juridique
Né au Frioul en 1951, Francesco Dosso est arrivé en France à l’âge de 4 ans. En débarquant dans l’est mosellan alors entièrement voué à l’extraction charbonnière, son père maçon n’a pu trouver de logement que dans une cave, où son épouse a contracté la tuberculose. Pour loger décemment sa famille, il a dû embaucher aux houillères. Ainé des quatre enfants Dosso, François a poursuivi ses études aussi loin que le permettaient les ressources familiales – en l’occurrence, jusqu’en quatrième. Le gamin qui rêvait d’être prof d’histoire devient apprenti mineur et sort major des quatre centres de formation des houillères. Il descend au fond le 2 janvier 1968, doté de la qualification respectée d’électromécanicien.
Il y met en pratique les principes autogestionnaires qui écloront au printemps de cette même année. Pétri durant l’adolescence des valeurs de la Jeunesse ouvrière chrétienne, qui assurait que la santé d’un jeune travailleur valait tout l’or du monde, il adhère à la CFDT en 1969, séduit par un courant anarchosyndicaliste auquel il demeure fidèle. Ce syndicat est le premier à se préoccuper des maladies professionnelles, qui, à cette époque, tuent discrètement une centaine de mineurs par an, sans susciter d’indignation particulière. François Dosso devient peu à peu le héraut de la prévention, puis de l’indemnisation des risques professionnels.
En tant que délégué mineur CFDT – il ne sera jamais permanent -, le jeune homme s’astreint à descendre au fond chaque matin entre 5 et 7 heures. Le vestiaire et la lampisterie constituent en effet les lieux les plus propices pour échanger avec les mineurs avant qu’ils ne se trouvent disséminés au long des kilomètres de galeries. Il s’y imprègne de la grande diversité des métiers du fond et du kaléidoscope de risques – amiante, mais aussi silice, formol, benzène, trichloréthylène, HAP – liés à chacun d’entre eux. Lors de la fermeture des mines, ce désastre sanitaire est remonté à la surface.
François Dosso prend sa retraite en 2001, à l’âge de 50 ans, dans le cadre du congé charbonnier. Il ne tarde pas à remonter au front en voyant s’étioler les forces militantes tandis que progressent les cas de maladies professionnelles et leur cortège de souffrances et de deuil.
Nous savions que nous, anciens mineurs de la CFDT, étions les derniers à détenir les compétences permettant de gagner les contentieux en cas de maladies professionnelles. Nous nous sommes demandé qui défendrait nos veuves quand nous ne serions plus là.
François Dosso
Ses compagnons et lui fourbissaient leurs armes depuis longtemps. François Dosso a engrangé durant des décennies les connaissances techniques, médicales, juridiques, historiques et scientifiques qui lui permettaient de tenir la dragée haute à des chefs de chantiers, ingénieurs ou juristes. L’ancien mineur, qui place la révolutionnaire Rosa Luxemburg au faîte de son panthéon personnel, est devenu un puits de sciences et partage volontiers son savoir, à condition que son interlocuteur en fasse bon usage.
Dans les mines, les comités d’hygiène et de sécurité n’ont vu le jour qu’en 1977. Les lois Auroux instaurant les CHSCT intégrant les conditions de travail et finançant la formation des délégués syndicaux n’y sont entrées en vigueur qu’en 1986, quatre ans après leur promulgation. Les militants CFDT se sont engouffrés dans la brèche, invitant à Freyming-Merlebach des médecins, des ergonomes ou des sociologues. Bien après la fermeture des mines, ils ont continué à piocher dans le Dalloz et dans le Vidal, puis dans les archives départementales de la Moselle ou dans les arcanes du site de la Bibliothèque nationale de France, pour en extraire des preuves et des arguments. Le petit groupe de retraités des confins patoisants de la frontière allemande s’est ainsi imposé en adversaire coriace du patronat minier, puis de ses mandataires.
Quand on traite les gens comme des chiens, ils deviennent des loups.
François Dosso
Le combat d’une vie
Le combat a commencé dans les années 2000 par l’ouverture de 1.100 dossiers liés à l’amiante. Dans un premier temps, Charbonnages de France a contesté l’exposition elle-même. Débouté en cassation, le liquidateur rejette aujourd’hui encore toutes les demandes de reconnaissance de faute inexcusable. Le collectif de mineurs a ensuite monté un millier d’autres dossiers portant sur des maladies respiratoires, des TMS, des bronchopneumopathies obstructives et des cancers. Chaque cas donne lieu à une guérilla juridique durant entre 5 et 10 ans. Le collectif de retraités ne s’engage que sur des dossiers de faute inexcusable scrupuleusement vérifiés, et assure n’en avoir perdu aucun.
Moi qui ignorais tout de l’univers de la mine, j’ai été impressionné par l’esprit de corps et la solidarité qui anime le collectif.
Cédric de Romanet
L’avocat au cabinet parisien TTLA a défendu les mineurs dans le cadre du préjudice d’anxiété et dans les dossiers de fautes inexcusables.
Les conclusions de la cour d’appel de Douai devraient fluidifier les procédures en cours. Mais le combat est loin d’être fini.
Les liens entre le cancer de la peau et la suie sont connus depuis 1775, le risque de contracter des cancers des poumons dans les cokeries était déjà dénoncé dans les années 20, la silicose n’a été reconnue comme la maladie professionnelle en France qu’en 1945… A chaque fois le patronat a fait preuve de paternalisme et de cynisme, tout en jouant la montre pour trouver une parade.
François Dosso
Les mineurs, qui creusaient parfois durant une décennie pour atteindre la veine convoitée, n’ont pas peur des combats au long cours. Leurs avocats saluent le travail titanesque qu’ils ont fourni pour remporter la victoire du préjudice d’anxiété, et qu’ils devront peut-être recommencer. François Dosso reste pourtant serein.
Pendant des années, nos adversaires ont nié nous avoir envoyé au casse-pipe. On sait maintenant que nous ne mentions pas. Pour faire reconnaître les fautes commises et obtenir réparation, nous nous battrons jusqu’à notre dernier souffle, et même, jusqu’à celui de nos dernières veuves.
François Dosso
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bonjour
svp si quelqu’un pourrais m’aider a trouver l’historique d’un grand parent qui actuellement décédé depuis trois décennies.
je suis le maris de sa petite fille et nous cherchons l’histoire de son grand père,
il a travailler comme mineur dans les mines de Merlebach. en Moselle.
son nom est KERBANE ACHOUR – né en 1912 le nom pourrais être écrie kherbane.
il est syndiqué a la CGT le 01/04/1946.
il à consultée le médecins le 02/01/1967- a la société de secours Minière de Sarre et Moselle – MERLEBACH.
Merci si quelqu’un peut nous donner des informations.