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Bataville survit sans Bata

Deux ans après la fermeture de l’usine de chaussures de Bata, à Moussey (Moselle), la cité ouvrière Bataville a trouvé preneur. Mais la cellule chargée du reclassement des 526 salariés a globalement échoué et la région demeure dans l’attente d’une réindustrialisation.
Bataville-Moussey
Bataville

Moussey, Réchicourt-le-Château, Bataville… Les difficultés de localisation de l’ancien site de production du chausseur Bata illustrent, à elles seules, la particularité d’une implantation réalisée, à la fin des années 1930, par l’industriel tchèque Thomas Bat, à cheval sur les communes de Moussey et de Réchicourt, petits villages ruraux du Sud mosellan et de la Meurthe-et-Moselle. En décembre 2001, la fermeture de l’usine, qui employait 840 personnes, a semé la consternation parmi les salariés, particulièrement dépendants de leur entreprise.


Vente du parc immobilier

Souvent logés à Bataville, la cité de 220 logements loués aux ouvriers à des prix symboliques, durant toute la période d’activité du chausseur, les salariés licenciés par Bata risquaient, de surcroît, de perdre leur toit. L’administrateur nommé pour réaliser les actifs a proposé le rachat à des tarifs jugés prohibitifs ou incohérents. La vente de gré à gré ayant échoué, le parc immobilier est resté en quête d’un repreneur jusqu’en juin dernier, date à laquelle le promoteur mosellan Claude Geisler, spécialisé dans la reconversion de sites scolaires ou militaires à des fins locatives, a racheté l’ensemble du patrimoine à un prix resté secret.

Nous avons ouvert aux habitants la possibilité de rester locataires ou de se porter acquéreurs de leur logement à des prix inférieurs de 25 % à 30 % à ceux des logements vides.

Claude Geisler

Sur 110 locataires, 17 ont déjà opté pour l’achat de leur maison. Le promoteur assure avoir également enregistré des demandes pour les logements vides et se montre optimiste quant aux perspectives de commercialisation de la cité. La présence d’écoles et de commerces au village et le cadre verdoyant de la cité constituent les principaux arguments de vente.


Sites contaminés non localisés

Cette transaction constitue une excellente nouvelle après dix-huit mois d’incertitude, de stress et d’opacité, qui ont laissé des traces.

Gérard Riebel, président du comité de suivi de la cellule de reclassement

Les variations des prix proposés au mètre carré ont conduit certains locataires à soupçonner l’administrateur de vouloir épurer la dette de Bata par la vente des logements.

Impuissants, les maires de Réchicourt-le-Château et de Moussey ont multiplié les conseils, les mises en garde et les prises de position, accentuant encore le sentiment de confusion dans l’esprit des locataires. Un dernier dossier empoisonne encore Bataville : la présence attestée, mais non localisée, de produits toxiques entreposés sans précaution par Bata durant des décennies. Pour l’heure, personne n’a pris en charge le dossier de la localisation des sites contaminés et de leur dépollution.


Plan de formation

Fondée dans les locaux de Bata par Jean-Michel Werling, ancien cadre de la société, Hello SA, qui se positionne sur le créneau des chaussures de moyenne gamme, a assuré la reprise de 268 ex-agents de production :

Nous nous sommes efforcés de recruter un ancien de Bata dans chaque famille, pour éviter que des couples se trouvent simultanément au chômage.

Jean-Michel Werling

Soucieuse de tourner la page, Hello SA a engagé, dès ses débuts, un plan de formation d’un montant de 300 000 euros sur trois ans, soutenu par le conseil régional de Lorraine, pour développer les compétences et la polyvalence des salariés. Le programme intègre le souci – ignoré à l’époque de Bata – de développer le potentiel de reconversion des salariés. Cette nouvelle culture d’entreprise a contribué à creuser le fossé entre anciens de Bata et salariés de Hello SA. Fin septembre, une quinzaine de cadres de Bata, qui accusaient leur ancien employeur de n’avoir pas mobilisé tous les moyens possibles en vue d’un reclassement en interne, ont été déboutés par le tribunal des prud’hommes de Sarrebourg. Une dizaine d’ouvriers ont intenté la même démarche :

Laurent PateMais les actions collectives deviennent difficiles faute de structure permettant aux anciens salariés de se réunir.

Laurent Paté, avocat de l'ex-comité d'entreprise de Bata

Réindustrialisation

Les syndicats de Bata, qui avaient, fin 2001, estimé correct le plan social arraché à l’employeur, jugent aujourd’hui sévèrement le travail effectué par le cabinet nancéien, Altédia, chargé du reclassement de 349 demandeurs d’emploi (lire ci-dessus). Chargée du dossier à la préfecture de région, Claudine Humbert-Mulas a, selon ses propres termes, « jeté l’éponge » en matière de reconversion, plusieurs mois avant l’expiration de sa mission, le 31 janvier 2003, pour se charger de la réindustrialisation du bassin – laquelle ne s’est, pour l’heure, nullement concrétisée.


Le bilan du reclassement

  • 814 Personnes licenciées par Bata en décembre 2001
  • Personnes reprises sur le site par trois entités : Hello SA 268 Manulog (logisticien) 34 Une imprimerie locale 2
  • Préretraites : 50 Congé de conversion
  • personnes âgés de 53 ans : 111 Personnes accueillies par la cellule de reclassement
  • 252 ont trouvé une solution (dont 102 en CDI, 76 en CDD ou intérim, 21 en formation longue, 53 qui ont choisi de ne plus travailler) et 97 restent sans solution.

Source : Altédia


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Pascale Braun

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