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André Sainjon, le métallo patron

Je n’ai jamais eu l’ambition de devenir ni secrétaire général de la CGT métallurgie, ni député européen, ni PDG de la Snet. Je le suis devenu au fil des circonstances, tout en restant fidèle à des valeurs de solidarité et de progrès.

André Sainjon

À soixante ans, André Sainjon porte un regard serein sur son parcours hors normes. Muni du seul certificat d’études, engagé, à quatorze ans, comme télégraphiste à Montmartre, l’ancien syndicaliste doit sa formation politique et culturelle aux stages organisés par la CGT, puis à l’enseignement dispensé par l’école centrale du Parti communiste.

Andre Sainjon SnetLe Parti, qui jouait alors un véritable rôle de formation des élites, m’a donné une seconde chance. Il m’a permis d’acquérir des expériences, de faire des rencontres, d’évoluer.

André Sainjon

L’élève est doué : à trente-trois ans, André Sainjon devient secrétaire général CGT de la métallurgie, alors la plus puissante fédération de France. Membre du comité central du Parti communiste, reçu comme un ministre dans les pays du bloc de l’Est, le militant se sent néanmoins de plus en plus gêné par la règle du centralisme qui ne tolère ni doute ni désaccord. Longuement mûrie, la rupture s’avère rapide et spectaculaire. André Sainjon démissionne de ses fonctions en septembre 1988, quitte le Parti trois mois plus tard et se fait élire en 1989 au Parlement européen sur la liste conduite par Laurent Fabius.

Cinq ans plus tard, il sera reconduit dans son mandat européen sur la liste Alliance radicale de Bernard Tapie. Sitôt réélu, il intègre la vice-présidence de la commission des Relations économiques extérieures et entreprend un rapport sur le travail des enfants, dont les conclusions seront reprises par l’Organisation internationale du travail. Strasbourg lui ouvre de nouveaux horizons.

Mes rencontres avec des parlementaires de pays très différents ont constitué un apprentissage extraordinaire. J’ai découvert parmi eux des hommes qui, même marqués à droite, présentaient une forte sensibilité sociale.

André Sainjon

L’ancien membre du comité central y sympathise, entre autres, avec Son Altesse impériale et royale Otto de Habsbourg. Faire preuve d’écoute. En 2000, Laurent Fabius, ministre des Finances, et son secrétaire d’Etat à l’Industrie, Christian Pierret, confient à André Sainjon la direction de la Société nationale d’électricité et de thermique (Snet). Sa mission consiste explicitement à ouvrir le capital de cette filiale de Charbonnages de France au secteur privé en sauvegardant la paix sociale.

Le fait qu’un ancien dirigeant syndical se retrouve patron peut paraître curieux. Mais l’expérience que j’ai acquise au cours des grands conflits de la métallurgie m’a appris que l’on peut obtenir beaucoup des syndicats à condition de faire preuve d’écoute et d’ouverture d’esprit.

André Sainjon

En septembre 2000, le dirigeant parvient à ouvrir 30 % du capital de l’entreprise à l’opérateur espagnol Endesa sans comptabiliser une seule heure de grève.

André Sainjon a du métier. Il sait anticiper les revendications et y répondre, et garde de son passé syndical une certaine fibre sociale. Il reste à l’écoute, mais il agit comme un patron.

Jean-Marie Porta, secrétaire général de la CGT à la centrale Emile-Huchet de Carling, principal site de la Snet en Moselle

En septembre 2002, la présentation du projet Grandir, qui comporte 327 suppressions d’emplois dont 222 à Carling, suscite de violentes protestations dans l’Est mosellan, déjà durement touché par le déclin de l’industrie charbonnière.

L’annonce apparaissait trop brutale, mais la survie du site passe par les réductions des coûts. Ma mission consistait à réduire les effectifs dans le respect du pacte charbonnier, pour permettre à terme l’embauche de jeunes.

André Sainjon

Le projet Grandir a fait long feu. Déchargé de ses fonctions de PDG et nommé en janvier dernier président du conseil de surveillance de la Snet, il assure aujourd’hui le rôle de délégué général auprès de Charbonnages de France chargé de l’électricité et des questions internationales.

J’entretiens d’excellentes relations avec Philippe de Ladoucette, président de Charbonnages de France. En dépit de sensibilités politiques différentes, nous oeuvrons ensemble au développement de la Snet. Je fais les choses comme elles viennent, avec l’espoir de faire avancer les idées de progrès et l’idéal humaniste.

André Sainjon


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Pascale Braun

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